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lundi 30 novembre 2015

Le chevalier regarde la taverne

Le chevalier sans nom regarde la taverne 


Le chevalier sans nom regarde la taverne,
Basse, noire, enfumée, comme un bouge d'Arverne.;
Comme en forêt de Brocélande, des vapeurs
Pâles fissurent son esprit, son coeur
Et celui de sa Dame, dont les yeux le hantent .
Jusqu'au Val sans retour son image l'enchante
Lorsque le jour se lève et que son corps s'enfuit
Son coeur reste  près d'elle et revit le déduit.
De la fontaine au gué sur le pont des possibles,
Champion de fin'amor, l'amant se veut la cible .
Sa quête l'a conduit  au royaume de Gorre
Puis chez un roi-pêcheur où l'attend une amphore.
Ce sera quoi? Ce sera pour l'instant juste croire
Au ciel  de vos yeux bleus, ma Reine, à ce mirage,
Car ma quête impossible est celle d'un plus sage.

MissYves 
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Yvan le Moine, Au bouge, Le cheval qui chemine.


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Je regarde le bistrot

  je regarde le bistrot il est lumineux clair
  comme un smog londonien et sa glauque clarté
  nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
  là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
  pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
  la musique de nos boissons de tes yeux jolis
  comme mer de possibilités là devant nous
  l’autre est parti sans laisser de pourboire
  et le barman nous fixe nous dit alors vous
  ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
  le bleu de tes yeux ton regard ton visage
  dans la mer de choses possibles là où on nage

  Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014

  L'oulipien de l'année/Zazipo


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dimanche 29 novembre 2015

Fabulette




L'oulipien, la fée et le  barman

Cherchant l'inspiration dont la source est tarie
Desséché le poète s'en va par les champs
Elysées, sur  les pas des poètes maudits
Cassant sa tire-lyre  pour scander ses chants
Il entre en un bistrot dont les vitres transpirent,
Décor brumeux pour un acteur jouant  Shakespeare.
C'était l'heure paisible où les lions vont boire,
Un client s'est cassé sans laisser de pourboire.
La fée verte aux yeux bleus est plus qu'une autre exquise,
J'écris ton nom: Viviane, Eléonore,  Elise
D'amour me font mourir vos yeux , belle marquise
Me plonger dans vos yeux, nager dans la Tamise...
Mais au lieu de lamper, Ian Monk  se ravise.
Le barman obséquieux demande à l'oulipien:
"Pour vous, ce sera quoi?"
Un café, du coca, martini, Aqua-
-Vit? Vittel menthe, menthe à l'eau , rataf-
-Ia? Jawhol? Yes? Si? No?
RIEN!
Quoi? Ca décoiffe!

Moralité: 
On ne peut faire boire un Ian qui n'a pas soif.
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Citations: 

1 , 2 Victor Hugo
3 Agrippa d'Aubigné
4 Paul Eluard
5 Molière
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Miss Yves

samedi 21 novembre 2015

Musique de zinc




Musique de zinc.
Tina est dans le bistrot et voit un bock. Sous la rampe, la lumière est glauque. Le juke-box joue du Glück. Tina est dans les vaps. Elle demande à Ian Monk: "C'est quoi un bock ?"Ian Monck dit qu'un bock est une chope. Ian Monk prend la chope et la tend vers la lampe. Le juke - box égrène: "Viens boire un p'tit coup à la maison" puis "Elle a les yeux révolver", puis "salade de fruit, jolie, jolie, jolie". Tina s'appuie contre la rampe. Elle demande à Ian Monk: "C'est quoi, une chope? "Ian Monk dit qu'une chope est une  moque. Tina se moque, elle dit qu'une moque  n'est pas une chope, qu'une chope n'est pas un bock, et qu'un bock est un mug. Le juke -box joue une zizique zen de Zazie, puis "la mer qu'on voit danser le long des golfes clairs", dans le troquet glauque. "C'est quoi, glauque ?"demande Tina. Ian Monk dit que glauque, c'est vert, alors que s'entrechoquent des verres.
Le Juke-box joue une chanson de Tino. Ian Monk dit qu'un quidam est parti sans laisser de pourboire. Tina dit qu'un pourboire est un pourliche, a tip, en Angliche, dame ouiche !
Devant un pichet, Ian Monk dit qu'un pourboire n'est pas un pot de vin. Zélé, le barman fixe Ian Monk et Tina, fissa."Pour vous, ce sera quoi?" Rien. Nothing. Nada . Le juke -box sussure :" Lipstick polychrome", puis "Emilie jolie", "la vie en rose". Ian Monk se plonge dans les yeux pers de Tina. Le juke -box joue Ulysse: "Mais quand reverrais-je ?" Ian Monk dit:" Tina n'est pas Tina, Tina est Athéna". Une flaque d'eau est sur le zinc. Le juke -box murmure "J'ai traversé les mers à la force de mes bras". Tina dit "un thème de Jazz  n'est pas un air de Zaz et un air de Zaz n'est pas un air de Zizi Jeanmaire et un air de Zizi Jeanmaire n'est pas une mélodie  de Zazie".

Ian Monk écrit Tina dans le bistrot.

Yan  Pastis, l'anis qui pétille.



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je regarde le bistrot il est lumineux clair
comme un smog londonien et sa glauque clarté
nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
la musique de nos boissons de tes yeux jolis
comme mer de possibilités là devant nous
l’autre est parti sans laisser de pourboire
et le barman nous fixe nous dit alors vous
ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
le bleu de tes yeux ton regard ton visage
dans la mer de choses possibles là où on nage

Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014

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L'oulipien de l'année/Zazipo
Musique de table
Musique de table. Tino est dans le jardin et voit une orange. Il dit qu’est-ce que c’est comme fleur. Il demande ce que c’est comme nuage. Le père dit qu’une fleur est une fleur. Tino prend l’orange et dit papa pèle-moi le nuage. Le père pèle la fleur et donne six tranches à Tino. Le père mange une tranche et dit qu’une tranche est une tranche. Tino mange. Il dit c’est une tranche de nuage elle a un goût de fleur. Il demande ce que c’est comme fleur. Le père dit qu’un nuage est un nuage et qu’une orange est une orange. Tino voit une limace. Le père voit un petit chien de Calabre. Le père dit qu’est-ce que c’est que cette pluie dans le jardin. Il demande qu’est-ce que c’est que cette comète dans le jardin. Tino dit ce n’est pas une queue de comète dans le jardin c’est une orange avec deux cornes. Le père pèle l’orange et dit voici une tranche de pluie voici une tranche de neige et voici une tranche de patatras. Chouette dit Tino et il donne l’orange au ramoneur.
Oskar Pastior, extrait de Après l’est et l’ouest, chez Textuel, collection L’oeil du poète, 2001, traduction Alain Jadot, version originale dans Höricht, Klaus Ramm, 1975
Vous pouvez consulter les variations, et proposer la vôtre...

lundi 16 novembre 2015

Pour un nouveau bistrot



     A.regarde le bistrot.
     Deux lampes à gaz d'essence l'éclairent.  A cligne des yeux, aveuglé par la lumière crue et glauque. Aux deux-tiers des vitres,  au-dessus de la barre d'appui, la buée s'élève, dessinant  les contours vagues d'une carte de  la City . Du côté de la porte ouverte de l'office, le jour pâlit. A et B . sont assis, côte à côte, sur la banquette de simili cuir gris, le buste incliné. La musique des  glaçons s'entrechoquant dans le verre d'un consommateur, puis un verre qui se casse leur font lever les yeux et s' humecter leurs lèvres sèches..
     A une distance de soixante-dix centimètres, un  client s'apprête à partir. Son verre a marqué  la table en formica clair de plusieurs auréoles qui se chevauchent, s'entrecroisent, se brisent, formant un réseau de cercles, d'arcs de cercles, de diagonales, de lignes inachevées dessinant une carte du  métro londonien. Il compte sa monnaie, la dépose  sur la soucoupe  en porcelaine d'un blanc lumineux, légèrement fissurée  regarde attentivement la note, tire son porte- feuille  de la poche intérieure droite de de son  blouson  en tweed; ses doigts rampent vers la soucoupe puis se retirent; il jette un regard oblique vers la porte, se lève, passe devant le comptoir, le cou enfoncé dans le revers de son col en  velours, comme par temps de smog, et sort  sans regarder A et B.
     Le barman fait son entrée par la porte ouverte de l'office, tenant à deux mains un plateau et la carte pliée  au coin  supérieur gauche .
Il fixe A et B, le visage orienté à contre - jour ."Vous,  ce sera quoi ? " dit -il d'une voix forte.
A regarde B qui regarde A , de ses yeux bleus.
Silence.
Les traces de buée sur la vitre se brouillent, formant une possible  mer où se noie le regard.
Le barman est en nage.

I. M , le néon qui grésille. A Bougie



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A la manière d'Alain Robbe-Grillet, dans La Jalousie, Editions de Minuit
d'où sont extraits les  mots ou phrases en italiques

Extrait ici 

Et là:
"A... est assise à la table, la petite table à écrire qui se trouve contre la cloison de droite, celle du couloir. Elle se penche en avant sur quelque travail minutieux et long : remaillage d'un bas très fin, polissage des ongles, dessin au crayon d'une taille réduite. Mais A... ne dessine jamais; pour reprendre une maille filée, elle se serait placée plus près du jour; si elle avait besoin d'une table pour se faire les ongles, elle n'aurait pas choisi cette table-là.
        Malgré l'apparente immobilité de la tête et des épaules, des vibrations saccadées agitent la masse noire de ses cheveux. De temps à autre elle redresse le buste et semble prendre du recul pour mieux juger de son ouvrage. D'un geste lent, elle rejette en arrière une mèche, plus courte, qui s'est détachée de cette coiffure trop mouvante, et la gêne. La main s'attarde à remettre en ordre les ondulations, où les doigts effilés se plient et se déplient, l'un après l'autre, avec rapidité quoique sans brusquerie, le mouvement se communiquant de l'un à l'autre d'une manière continue, comme s'ils étaient entraînés par le même mécanisme. 
        Penchée de nouveau, elle a maintenant repris sa tâche interrompue. La chevelure lustrée luit de reflets roux, dans le creux des boucles. De légers tremblements, vite amortis, la parcourent d'une épaule vers l'autre, sans qu'il soit possible de voir remuer, de la moindre pulsation, le reste du corps."

Edition électronique là 



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je regarde le bistrot il est lumineux clair
comme un smog londonien et sa glauque clarté
nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
la musique de nos boissons de tes yeux jolis
comme mer de possibilités là devant nous
l’autre est parti sans laisser de pourboire
et le barman nous fixe nous dit alors vous
ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
le bleu de tes yeux ton regard ton visage
dans la mer de choses possibles là où on nage

Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014

L'oulipien de l'année/Zazipo

samedi 7 novembre 2015

La folie du boire



Voici venir les temps  des buveurs sans prestige
Chaque bock se remplit ainsi qu'un arrosoir;
Océan du possible, amer aléatoire;
Halte pur éthylique et sirupeux vertige !

 Chaque bock se remplit ainsi qu'un arrosoir;
Le bistrot est brumeux, ce n'est pas le Claridge;
Halte pur éthylique et sirupeux vertige !
Le barman est grincheux, il nous incite à boire.

Le bistrot est brumeux, ce n'est pas le Claridge;
Un client a filé sans filer de pourboire;
Le barman est grincheux, ,il nous incite à boire;
Le smog a estompé l'aplomb de Tower Bridge.

Un client a filé sans filer de pourboire;
Noyé dans tes yeux bleus, je suis ton homme lige!
Le smog a estompé l'aplomb de Tower Bridge!
Nos esprits fissurés à l'amour veulent croire.

MissY 


L'oulipien de l'année/Zazipo
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Harmonie du soir

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !



Charles Baudelaire

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je regarde le bistrot il est lumineux clair
comme un smog londonien et sa glauque clarté
nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
la musique de nos boissons de tes yeux jolis
comme mer de possibilités là devant nous
l’autre est parti sans laisser de pourboire
et le barman nous fixe nous dit alors vous
ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
le bleu de tes yeux ton regard ton visage
dans la mer de choses possibles là où on nage

Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014

lundi 2 novembre 2015

flou cinématographique



La Marie du port.
Quai des brumes.
Le loup-garou de Londres.
Un peu de soleil dans l'eau froide.
Où le soleil est froid.
Touchez pas au grisbi
Et pour quelques dollars de plus.
La fille aux yeux d'or.
Le bruit des glaçons
Un si doux visage ( Angel face)
"Big blue eyes "
"T'as d'beaux yeux , tu sais!"
Le grand bleu
Diabolo- menthe.
Un dernier pour la route.
Rien que pour vos yeux.

Missyves
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Je regarde le bistrot

je regarde le bistrot il est lumineux clair
comme un smog londonien et sa glauque clarté
nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
la musique de nos boissons de tes yeux jolis
comme mer de possibilités là devant nous
l’autre est parti sans laisser de pourboire
et le barman nous fixe nous dit alors vous
ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
le bleu de tes yeux ton regard ton visage
dans la mer de choses possibles là où on nage

Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014

L'oulipien de l'année/Zazipo

Chicago fêlé




Quand l'euro délaissé
Quelle valeur baissée
Quid du taux cassé
Est-ce prix fissuré

Missyves/Monk 40
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Définition du Chicago: ici 
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je regarde le bistrot il est lumineux clair
  comme un smog londonien et sa glauque clarté
  nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
  là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
  pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
  la musique de nos boissons de tes yeux jolis
  comme mer de possibilités là devant nous
  l’autre est parti sans laisser de pourboire
  et le barman nous fixe nous dit alors vous
  ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
  le bleu de tes yeux ton regard ton visage
  dans la mer de choses possibles là où on nage

  Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014


L'oulipien de l'année/Zazipo

jeudi 29 octobre 2015

Minimaliste





bistrot cotonneux
lamper l’eau de ton visage
possible nageur

missyves
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Je regarde le bistrot
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L'oulipien de l'année/Zazipo
je regarde le bistrot il est lumineux clair
comme un smog londonien et sa glauque clarté
nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
la musique de nos boissons de tes yeux jolis
comme mer de possibilités là devant nous
l’autre est parti sans laisser de pourboire
et le barman nous fixe nous dit alors vous
ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
le bleu de tes yeux ton regard ton visage
dans la mer de choses possibles là où on nage

Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014

lundi 26 octobre 2015

Chez Bébert





C'est pas un' vie d'être patron d'troquet
Quel bain d'vapeur, l' chaufage est détraqué
On se croirait à Londres un soir de smog
Tiens la serveuse vient de casser un mug...
Il fait trop clair: faut qu'je chang'les ampoules
Tous ces soucis, ça me tue, ça me soûle
C'est pas la Mer de la Tranquillité
En plus d'tout ça, les charges ont augmenté!
Et l'autr'connard, radin.com qui s'casse
Qui fait semblant d'mettr' un rond près d'sa tasse!
Puis ces deux-là, les amoureux transis
Qui consomment pas, qu'est-c'qui font, I s' sourient!
I s'bécot'raient comme sur les bancs publics
Mais chez Bibi c'est privé, v'là le hic!
Je t'en fich'rais, moi, de la poésie
Les yeux dans l'vague à rester là, assis!
POUR VOUS C'EST QUOI ? Gin tonic, menthe à l'eau?
Café ristrett', café crème, diabolo?
Dans vingt minutes je ferme, j'vais pas attendre
Voilà la carte, pas la CARTE DU TENDRE !


Ainsi parlait, sans trop fleurir ses mots
Aigri, stressé, le patron du bistrot.

MissYves /
Yan Manque
Tas'd'bourges, l'âne qui rumine
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 Je regarde le bistrot

  je regarde le bistrot il est lumineux clair
  comme un smog londonien et sa glauque clarté
  nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
  là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
  pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
  la musique de nos boissons de tes yeux jolis
  comme mer de possibilités là devant nous
  l’autre est parti sans laisser de pourboire
  et le barman nous fixe nous dit alors vous
  ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
  le bleu de tes yeux ton regard ton visage
  dans la mer de choses possibles là où on nage

  Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014


  L'oulipien de l'année/Zazipo

dimanche 25 octobre 2015

Traquer les mots dans un troquet



Garçon, de quoi écrire! Bourges. Dans un bistrot
Brumeux comme à London, Ian Monk traque les mots
Hell is a city much like London dit Shelley
Cette obscure clarté qui tombe du néon
Elsa mon immortelle enchante la boisson

Intertextualité, citation ou plagiat ?

Vers nos yeux nous rampons l'esprit tout fissuré
Nos lèvres desséchées rêvent d' un quinquina
Dans la mer des possibles avons-nous assez navigué...

Garçon, de quoi écrire! Car un vers malsonnant

Offusque mon oreille. Si je note"océan",
Ledit vers est boiteux: au moins  quatorze pieds!
"Océan du possible étalé devant nous"
-Vingt fois sur le métier- C'est sûr, ça sonne mieux
"Remettez votre ouvrage", ressassait Boileau. 

Quelques vers raturés, c'est pas la mer à boire!

"Lumineux, clair", est-ce un poème ou ce bistrot?
Fuyant comme le jour, faisant fi du pourboire,
Vu un voyou qui ressemblait à mon amour.
Que fait donc ce quidam, gâchant mon élégie?

Garçon de quoi écrire! Mais le patron rugit:

Enfin, ma rime en "ou"! Ce sera quoi pour vous ?
Rien, juste siroter, ersatz de Vittel -menthe
Le bleu d'un doux regard, les yeux de mon amante.

MissYves

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Je regarde le bistrot

  je regarde le bistrot il est lumineux clair
  comme un smog londonien et sa glauque clarté
  nous crève les yeux nous fissure l’esprit et on rampe
  là l’un vers l’autre dans nos yeux et nos esprits
  pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
  la musique de nos boissons de tes yeux jolis
  comme mer de possibilités là devant nous
  l’autre est parti sans laisser de pourboire
  et le barman nous fixe nous dit alors vous
  ce sera quoi ? ce sera pour l’instant juste boire
  le bleu de tes yeux ton regard ton visage
  dans la mer de choses possibles là où on nage

  Extrait du poème À Bourges de Ian Monk, in 14 x 14 l’Âne qui butine, 2014

  L'oulipien de l'année/Zazipo
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Les mots m’ont pris par la main


Je demeurai longtemps derrière un Vittel-menthe
L’histoire quelque part poursuivait sa tourmente
Ceux qui n’ont pas d’amour habitent les cafés
La boule de nickel est leur conte de fées
Si pauvre que l’on soit il y fait bon l’hiver
On y traîne sans fin par la vertu d’un verre
Moi j’aimais au Rocher boulevard Saint-Germain
Trouver le noir et or usagé des sous-mains
Garçon de quoi écrire Et sur la molesquine
J’oubliais l’hôpital les démarches mesquines
A raturer des vers sur papier quadrillé
Tant que le réverbère au-dehors vînt briller
Jaune et lilas de pluie au cœur du macadam
J’épongeais à mon tour sur le buvard-réclame
Mon rêve où l’encre des passants abandonna
Les secrets de leur âme entre deux quinquinas
J’aimais à Saint-Michel le Cluny pour l’équerre
Qu’il offre ombre et rayons à nos matins précaires
Sur le coin de la rue Bonaparte et du quai
J’aimais ce haut Tabac où le soleil manquait
Il y eut la saison de la Rotonde et celle
D’un quelconque bistrot du côté de Courcelles
Il y eut ce café du passage Jouffroy
L’Excelsior Porte-Maillot Ce bar étroit
Rue du Faubourg-Saint-Honoré mais bien plus tard
J’entends siffler le percolateur dans un Biard
C’est un lieu trop bruyant et nous nous en allons
Place du Théâtre-Français dans ce salon
Au fond d’un lac d’où l’on
Voit passer par les glaces
Entre les poissons-chats les voitures de place
Or d’autres profondeurs étaient notre souci
Nous étions trois ou quatre au bout du jour
Assis
A marier les sons pour rebâtir les choses
Sans cesse procédant à des métamorphoses
Et nous faisions surgir d’étranges animaux
Car l’un de nous avait inventé pour les mots
Le piège à loup de la vitesse
Garçon de quoi écrire Et naissaient à nos pas
L’antilope-plaisir les mouettes compas
Les tamanoirs de la tristesse
Images à l’envers comme on peint les plafonds
Hybrides du sommeil inconnus à Buffon
Êtres de déraison Chimères
Vaste alphabet d’oiseaux tracé sur l’horizon
De coraux sur le fond des mers
Hiéroglyphes aux murs cyniques des prisons
N’attendez pas de moi que je les énumère
Chasse à courre aux taillis épais Ténèbre-mère
Cargaison de rébus devant les victimaires
Louves de la rosée Élans des lunaisons
Floraisons à rebours où Mesmer mime Homère
Sur le marbre où les mots entre nos mains s’aimèrent
Voici le gibier mort voici la cargaison
Voici le bestiaire et voici le blason
Au soir on compte les têtes de venaison
Nous nous grisons d’alcools amers
O saisons
Du langage ô conjugaison
Des éphémères
Nous traversons la toile et le toit des maisons
Serait-ce la fin de ce vieux monde brumaire
Les prodiges sont là qui frappent la cloison
Et déjà nos cahiers s’en firent le sommaire
Couverture illustrée où l’on voit Barbizon
La mort du Grand Ferré Jason et la Toison
Déjà le papier manque au temps mort du délire
Garçon de quoi écrire

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La Chanson du Mal-aimé
de Guillaume Apollinaire (1880 - 1918) e
                            à Paul Léautaud.

                            Et je chantais cette romance
                            En 1903 sans savoir
                            Que mon amour à la semblance
                            Du beau Phénix s'il meurt un soir
                            Le matin voit sa renaissance.

Un soir de demi-brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu'il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte

Je suivis ce mauvais garçon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maisons
Onde ouverte de la Mer Rouge
Lui les Hébreux moi Pharaon

Oue tombent ces vagues de briques
Si tu ne fus pas bien aimée
Je suis le souverain d'Égypte
Sa soeur-épouse son armée
Si tu n'es pas l'amour unique

Au tournant d'une rue brûlant
De tous les feux de ses façades
Plaies du brouillard sanguinolent
Où se lamentaient les façades
Une femme lui ressemblant

C'était son regard d'inhumaine
La cicatrice à son cou nu
Sortit saoule d'une taverne
Au moment où je reconnus
La fausseté de l'amour même

Lorsqu'il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Près d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu'il revînt

L'époux royal de Sacontale
Las de vaincre se réjouit
Quand il la retrouva plus pâle
D'attente et d'amour yeux pâlis
Caressant sa gazelle mâle

J'ai pensé à ces rois heureux
Lorsque le faux amour et celle
Dont je suis encore amoureux
Heurtant leurs ombres infidèles
Me rendirent si malheureux

Regrets sur quoi l'enfer se fonde
Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes voeux
Pour son baiser les rois du monde
Seraient morts les pauvres fameux
Pour elle eussent vendu leur ombre

J'ai hiverné dans mon passé
Revienne le soleil de Pâques
Pour chauffer un coeur plus glacé
Que les quarante de Sébaste
Moins que ma vie martyrisés

Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir

Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'éloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus

Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses

Je me souviens d'une autre année
C'était l'aube d'un jour d'avril
J'ai chanté ma joie bien-aimée
Chanté l'amour à voix virile
Au moment d'amour de l'année

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)