mercredi 13 avril 2011

Dis-moi dix mots au sujet de Diomira

En partant de là et en allant trois jours vers le levant, l’homme se trouve à Diomira, une ville avec soixante coupoles d’argent, des statues en bronze de tous les dieux, des rues pavées d’étain, un théâtre en cristal, un coq en or qui chante chaque matin sur une tour. Toutes ces beautés, le voyageur les connaît déjà pour les avoir vues aussi dans d’autres villes. Mais le propre de celle-ci est que si l’on y arrive un soir de septembre, quand les jours raccourcissent et que les lampes multicolores s’allument toutes ensemble aux portes des friteries, et que d’une terrasse une voix de femme crie : hou !, on en vient à envier ceux qui à l’heure présente pensent qu’ils ont déjà vécu une soirée pareille et qu’ils ont été cette fois-là heureux.

Italo Calvino - Les villes invisibles (Seuil), traduit de l’italien par Jean Thibaudeau

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accueillant
agapes
avec
chœur
complice
cordée
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harmonieusement
main
réseauter
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Dis-moi dix mots au sujet de Diomira

En quittant sa cordée et en allant trois jours vers le levant, l'homme se trouve à Diomira, plus  impressionnante qu'accueillante, avec soixante coupoles d'argent, des statues en bronze de tous les dieux et leurs mains d'argent, des rues pavées d'étain réseautant les avenues, un théâtre en cristal, un coq en or qui chante harmonieusement chaque matin sur une tour construite au fil à plomb.Toutes ces beautés, le voyageur les connaît déjà pour les avoir vues aussi dans d’autres villes. Mais le propre de celle-ci est que si l’on y arrive un soir de septembre, quand les jours raccourcissent et que les lampes multicolores s’allument toutes ensemble aux portes des friteries qui dispensent leurs agapes,et que d'une terrasse, un choeur -ou un solo  - féminin crie hou!on se sent complice de ceux qui  à l’heure présente pensent qu’ils ont déjà vécu une soirée pareille et qu’ils ont été cette fois-là heureux.

Miss Yves

BD Oubapo

Musique de table en dix notes de lecture

Musique de table.
Tino est dans le jardin et voit une orange. Il dit qu’est-ce que c’est comme fleur. Il demande ce que c’est comme nuage. Le père dit qu’une fleur est une fleur. Tino prend l’orange et dit papa pèle-moi le nuage. Le père pèle la fleur et donne six tranches à Tino. Le père mange une tranche et dit qu’une tranche est une tranche. Tino mange. Il dit c’est une tranche de nuage elle a un goût de fleur. Il demande ce que c’est comme fleur. Le père dit qu’un nuage est un nuage et qu’une orange est une orange. Tino voit une limace. Le père voit un petit chien de Calabre. Le père dit qu’est-ce que c’est que cette pluie dans le jardin. Il demande qu’est-ce que c’est que cette comète dans le jardin. Tino dit ce n’est pas une queue de comète dans le jardin c’est une orange avec deux cornes. Le père pèle l’orange et dit voici une tranche de pluie voici une tranche de neige et voici une tranche de patatras. Chouette dit Tino et il donne l’orange au ramoneur.

Oskar Pastior, extrait de Après l’est et l’ouest, chez Textuel, collection L’oeil du poète, 2001, traduction Alain Jadot, version originale dans Höricht, Klaus Ramm, 1975
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Oskar Pastior, extrait de Après l’est et l’ouest,chez textuel, collection L’oeil du poète, 2001, traduction Alain Jadot, version originale dans Höricht, Klaus Ramm, 1975

Musique de table en dix notes de lecture
Quatrième de couverture:

Le père prend l'enfant par la main pour le conduire dans un jardin extraordinaire, un jardin accueillant ,  où les deux complices se livrent en choeur à des agapes  imaginaires: au fil de leur inspiration, ils savourent les mots et les choses qui se transforment . Unis comme  en  une cordée, par  l'enchevêtrement  des questions et des réponses, ils invitent le lecteur à réseauter harmonieusement avec eux,  à  sauter du coq à l'âne, à passer de la réalité à la poésie.

Miss Yves


Oubapo ici 
et là 
et encore
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mardi 12 avril 2011

Dis-moi dix mots

Les vers à soie murmurent dans le mûrier
ils ne mangent pas ces mûres blanches et molles
pleines d’un sucre qui ne fait pas d’alcool
les vers à soie qui sont patients et douillets
mastiquent les feuilles avec un bruit mouillé
ça les endort mais autour de leurs épaules
ils tissent un cocon rond aux deux pôles
à fil de bave, puis dorment rassurés
En le dévidant on tire un fil de soie
dont on fait pour une belle dame une robe
belle également qu’elle porte avec allure
Quand la dame meurt on enterre la soie
avec elle et on plante, sur sa tombe en octobre,
un mûrier où sans fin les vers à soie murmurent.

Jacques Roubaud
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Le dit de la soie en dix mots


Les vers à soie murmurent tous en choeur
Dans le mûrier. Point de  ces mûres qui écoeurent,
Blanches , molles et fadasses pour agapes
Dont le suc ne serait qu'un  volatil ersatz .
Les vers à soie mâchonnent , tous complices,
Somnolants  et  tissant une douce pelisse
Tout autour  de leur col, comme en une cordée,
Ils réseautent puis  s'endorment rassurés
Par le fil  qu'ils expriment ,  et qu'une main experte
Transformera en fil de fin crêpe Georgette,
Pour adorner le corps, très harmonieusement
D'une dame  élégante au sourire accueillant.
Quand la dame mourra on enfouira sa robe
Avec elle , et l'on plantera en octobre
Sur sa tombe-d'y penser, se brise mon coeur-
Un mûrier où les vers à soie chantent en choeur.

Miss Yves

lundi 11 avril 2011

Frontière linguistique, en dix mots




Frontière
Passer une frontière est toujours quelque chose d'un peu émouvant: une limite imaginaire, matérialisée par une barrière de bois suffit pour tout changer, et jusqu'au paysage même. C'est le même air, c'est la même terre, mais la route n'est pas tout à fait la même, la graphie des panneaux routiers change, les boulangeries ne ressemblent plus tout à fait à ce que nous appelions, un instant avant, boulangeries,les pains n'ont plus la même forme.

Georges Perec, Espèces d'espaces. 
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accueillant
agapes
avec
chœur,
complice
cordée
fil
harmonieusement
main
réseauter....................................................................................................................................................................
 Poser la main sur la barrière de bois qui matérialise la frontière nous amène à nous poser des questions devant ce paysage peu accueillant  , avec une certaine  appréhension :

Trouverons-nous des regards complices pour  nous aider à décrypter la graphie des panneaux routiers ?
Pourrons-nous sur cette terre nouvelle, réseauter, harmonieusement et d'un même choeur ?
Saurons-nous nouer les fils d'une même cordée?
Si les pains n'ont  plus la même forme, dans ce que nous appelions boulangeries,un instant auparavant,  quelles agapes nous attendent ?

 Miss Yves, Espace linguistique

vendredi 29 octobre 2010

Sélénets en forme de goutte d'eau

Lisse est le granite
De toute beauté
La voie nous invite:
"The Shield" j'ai nommé.

Aucune fissure
Sur ce bloc lissé.
Quelle ligature ?
Pas d'aspérité.

Au bord de l'abîme
Face au bouclier
C'est fini la frime:
Je reste coincé.

Mais recours ultime:
Crochet à goutt'd'eau !
Méthode sublime
Vissant crescendo!

Sur la maigre entaille 
L'hameçon soutient
Mon poids et ma taille,
Défi aérien.

Le pied sur l'échelle
Craignant vertigo,
Piano je m'élève
Dans un vibrato.

miss Yves

mercredi 27 octobre 2010

Crochet à goutte d'eau (5)


Accro de dix mots

Accablé de fatigue et pris d'acrophobie
Je crève sur un bloc où je reste fixé
Comme un grimpeur K.O au pied du Tourmalet
Ou premier de cordée au bord de Gavarnie.

Salut, bloc de granit sans la moindre fêlure !
Bouclier accueillant sous les nuages épars !
Salut, dernier recours! Pas la moindre fissure ?
Crochet à goutte d'eau , secours dû au hasard !

D'une main je saisis le crochet solidaire
De l'écaille complice, et sur le fil de soie
A l'hameçon vissé , délaissant mon repaire,
Vais réseauter le roc le chargeant de mon poids.

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de granit,
Harmonieusement respirant à l'envi
Ne me retournerai, sans un regard d'envie
Ne contemplant ce lien avec qui je transite

Je voudrais un instant réfléchir aux agapes
Qui m'attendent plus bas-O délices de miel !
Au choeur de compliments, loin de ce roc d'agate
Auparavant sentir la vibration du ciel!

Miss Yves
sur le thème "Crochet à goutte d'eau", Olivier Salon in  El Capitan


Réécritures croisées:
Le Paresseux, de Saint-Amant (première strophe)
L'automne, Lamartine (Strophes suivantes)
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Le Paresseux

Accablé de paresse et de mélancolie, /
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,/
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté, /
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie. /

Là, sans me soucier des guerres d’Italie/
,Du comte Palatin, ni de sa royauté,/
 Je consacre un bel hymne à cette oisiveté /
Où mon âme en langueur est comme ensevelie./


Je trouve ce plaisir si doux et si charmant, /:
Que je crois que les biens me viendront en dormant/
 Puisque je vois déjà s’en enfler ma bedaine,/


Et hais tant le travail, que, les yeux entrouverts, /
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine /
Ai-je pu me résoudre à t’écrire ces vers.

Saint-Amant
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Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !


Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !


Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui ! 

 
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de m
iel ?

Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ...

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.

Lamartine

samedi 23 octobre 2010

Crochet à goutte d'eau -4 (sonnet)



L'hameçon

Pour soulever un poids si lourd,/
Alpiniste, il faut du courage!/
Sans matériel d'assurage/
Le roc est long, l'hameçon court//

Un pied posé sur la margelle,/
Vers "The Shield", bouclier bombé,/
Mon corps comme un amour ailé,/
Va marchant sur la fine échelle.//

Maint geste sort tout amoindri/
Dans la hantise de l'appui/
Bien loin des piolets, des chevrons/


Maintiens ton coeur ferme à souhait/

Ne regarde pas le crochet/
L'air vibre pour ton ascension .

Miss Yves

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Cette réécriture s'inspire du poème

Le Guignon

Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage !
Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,
L'Art est long et le Temps est court.

Loin des sépultures célèbres,
Vers un cimetière isolé,
Mon coeur, comme un tambour voilé,
Va battant des marches funèbres.

- Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes ;

Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes.

Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal

le tableau du week-end: fumer, fumée (2)

https://entretoilesetpapiers.eklablog.com/2025/09/le-theme-pour-septembre-elle-fume-tu-fumes-ils-ou-elles-fument.html Fardoise a écrit: ...