Article très intéressant sur le ciel en peinture ici
Ici aussi, de dos, redingote de mise,
Dame au centre, dressée , pensive est son assise.
Elle n’affronte ici ni tempête ni brise
À ses pieds un lac clair et non la nébuleuse.
Chez son alter ego, scène vertigineuse.
« Voyageur contemplant… » Est-ce un titre trompeur ?
Hachurée en blanc gris, la ligne d’horizon
Invisible à nos yeux, diluée dans la blancheur
Isole un noir dandy, étrange papillon
Face aux rocs déchirés, hautain sur la hauteur.
Sur la pierre, Elina semble en apesanteur.
Sur les monts éthérés planent des nuées diaphanes;
L’atmosphère n’est pas aux tourments romantiques ,
Songe-t-elle au chaos, fracas géologiques
Est-ce la protection d’entités épiphanes
Qu’elle appelle, à l’abri des afflux touristiques?
Le temps s’est arrêté: instant philosophique.
Élévation
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
– Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal