La valise, Francis Ponge
Ma valise m’accompagne au massif de la Vanoise, et déjà ses nickels brillent et son cuir épais embaume. Je l’empaume, je lui flatte le dos, l’encolure et le plat. Car ce coffre comme un livre plein d’un trésor de plis blancs : ma vêture singulière, ma lecture familière et mon plus simple attirail, oui, ce coffre comme un livre est aussi comme un cheval, fidèle contre mes jambes, que je selle, je harnache, pose sur un petit banc, selle et bride , bride et sangle ou dessangle dans la chambre de l’hôtel proverbial.
Oui, au voyageur moderne sa valise en somme reste comme un reste de cheval.
Poèmes greffés
Il se penche il voudrait empaumer sa valise
qui piaffait c'est sûr comme au box les chevaux
Il se penche et alors à sa grande surprise
Il ne tâte d'un livre que le plat et le dos.
On vous fait devenir le jouet de la bise
qui se plaît à hanter les hôtels provinciaux
Sous le mors on vous laisse à votre balourdise
le mythe a rattrapé la jument de Michaux
Dans l’hôtel proverbial on vérifie la note
Le larbin peut frotter et astiquer ma botte
Lorsqu’il gratte la boue, il espère un florin
On regagne à la fin les suites d’Ascot
On gagnait sans arçons le grand prix sous la flotte
Cravache d’or au poing tel Yves Sant-Martin .
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Texte-source / l'oulipien de l'année : https://www.zazipo.net/
Il se penche il voudrait attraper sa valise
que convoitait c’est sûr une horde d’escroc
il se penche et alors à sa grande surprise
Il ne trouve aussi sec qu’un sac de vieux fayots
On vous fait devenir une orde marchandise
qui se plaît à flouer de pauvres provinciaux
de la mort on vous greffe une orde bâtardise
la mite a grignoté tissus os et rideaux
Devant la boue urbaine on retrousse sa cotte
le lâche peut arguer de sa mine pâlotte
lorsqu’il voit la gadoue il cherche le purin
On regrette à la fin les agrestes bicoques
on mettait sans façon ses plus infectes loques
l’écu de vair ou d’or ne dure qu’un matin
L’un des Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau, chez Gallimard en juillet 1961.
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